Admire moi, vas y, encore… Éloigne toi de moi un peu plus… Comme si je n’étais pas assez seule... Allez, ne te
gène pas ! Ah, femme moderne,
bonne mère, bonne citoyenne, bonne x, bonne y et « bonne » tout
court… ah… Ca doit être pratique… Toi qui fais tant de choses, sans sourciller…
« Je t’admire »…
Nooon,
pas ça, pas toi que je connais…Je m’effondre… L’intérieur de moi se
parcellise encore davantage… Pas toi…
Entendras-tu ma plainte ? L’entendras-tu ?
Entendras-tu ma plainte ? L’entendras-tu ?
Unanimité… Mes réponses dans
le mur. Un mythe semble t-il, stéréotype waoouuu. Je dois être heureuse, alors, puisque…
Puta, Mama, mythe "postmoderne" de la femme indépendante, chez les bien-pensants
cultivationnés... Wonderwoman peut aller se rhabiller ! Cette salope m’a
corseté son costume au vol!
Plantée là, au sein de ce
râle brûlant, joyeux et je-ne-sais-quoi-d’autre, j’ai froid, j’ai seule. Je
pense aux cordes qui mutilent chacun de mes membres, à cette cage thoracique
sous-pression qui menace de se fendre, à la respiration saccadée d’une féminité
suffocante… aux millions de choses à-faire-à-dire-à-être chaque jour et à
heures précises, aux volets que je ne parviens pas à fermer, …
Le temps n’est pas
incompressible.
Dommage…
Les autres boivent du vin, parlent
d’art… Tout est beau. Je n’entends
plus que railler, railler cette admiration et chacun de mes mots nié avec des
« mais nooon »
nihilisants, qui me jettent au visage que je suis une image, me braillent
à la gueule ma non-humanité… On peut toujours imaginer se mettre à hurler tout
ça depuis l'intérieur de la boite à musique, mais… Insanités excusées par
une condescendance aux dents serrées, beurk ! Je me résigne, fais ce qu’on
attend de moi… Comme souvent… Du fin fond de mon ravin, je fais semblant
d’être in cette mondanité, moi
aussi…
D’accord, c’est
« cool ». Merci, au revoir..
Et même pas…
Vous y avez cru ? Ben
même pas, je reste, et je bois du vin jusqu’à tendre mon corps, jusqu’à tendre
mon cœur… Vers la tend-resse égoïste de l’oubli….
Je sais que demain, je vais
décuver et oublier, un instant, ce râle enthousiaste qui sécrète ces visions
idéelles. Je sais que je vais dormir et vomir la tendresse vinicole de la fuite…
À genoux devant la cuvette des chiottes. Et que je retrouverai ensuite les yeux
et l’exigence d’un rejeton aimant qui ne m’admire pas... Un marmot dont
l’unique souvenir-image m’emplit, reconstruit les routes de la ville et les
trottoirs autour, réifie les lumières nocturnes et les discussions qui refont
le monde, fait pousser des arbres-troglodytes au fin fond des ravins…
Alors, ma nuit peut-être
longue, comme ça, dans la foule, dans et même avec… Je peux
m’oublier, idéelle et construite, et rêver le monde…
Santé, ami d’un soir !
À la tienne !
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