vendredi 7 septembre 2012

Corps en jachère



Dans le cadre des vases communicants de septembre 2012
"Ne pas écrire pour, mais écrire chez l'autre" 
Lien et rendez-vous ici ou ici.

Yoxigen http://yoxigen.blogspot.com et moi nous sommes envasés ensemble ce moi-ci. Envasement dans le flou du thème du corps, de la manière de "l'habiter", de le sentir, s'y sentir...

Nous avons mis un moment pour trouver une approche, un thème, un entrée... Bon, de la part des retardataires ou attendeurs-de-l'urgence que nous sommes, ce n'est pas non plus très surprenant. 
Son blog, il est un peu au ralenti, oui... C'est vrai que les posts ne se bousculent pas. Mais c'est un lieu, je trouve, où l'on se sent bien... Peut-être simplement parce qu'il porte sa trace...  

De mon coté, je suis très heureuse d'accueillir Yox à la maison, et j'aime beaucoup les différents sens de ce texte, du sens et des sens... D'autant que cela touche aussi une sensibilité artistique que... Chutt!!! Allez plutôt le lire...






Corps en jachère


On a tous, dit-on, une relation intime avec notre corps. On le regarde, on le palpe, on le caresse, mais on ne le connait pas vraiment. Quand je me vois dans la glace, bien entendu que je me « reconnais », tout en ayant l’impression… Que ce n’est pas vraiment « moi ».
C’est mon reflet que je regarde, mais c’est une étrangère que je vois. « Corps étranger », dit-on…
Certaines personnes se définissent à l’aide de leur corps. Elles le mettent en scène. Le soignent, le bichonnent, le maquillent, le tartinent de crèmes en tous genres. Puis elles le montrent, elles s’exposent, se prennent en photo. Comme si ces personnes ne se sentaient pas exister hors du regard de l’autre.
D’autres, au contraire, se sentent prisonniers, à l’étroit, enfermés dans leurs corps. Ils le ressentent comme une gêne, un appendice, une extension maladroite et inutile. Ils l’habitent… À leurs corps défendant.
Certains le malmènent. Certains le transforment. Certains le travestissent. Certains le subissent et d’autres jouent avec. Et moi … ?
Je le découvre encore, vaguement surprise, ébahie. Cela fait pourtant longtemps que l’on se côtoie, lui et moi. Que l’on vit ensemble, que je l’habite, qu’on prend la vie à bras-le-corps… Que l’on s’y lance à corps perdu.
Quand je m’imagine, que je tente de visualiser mon image dans mon esprit, il me semble que je ressemble à celle que j’étais, lorsque j’avais vingt ans. Je vieillis, je vieillis, et c’est comme si ma mémoire n’acceptait pas, ou n’arrivait pas à assimiler tout ça.
Quelques vergetures en haut des cuisses… La cicatrice de ma césarienne, « légèrement visible » selon mon homme, affreusement difforme à mes yeux, dans le reflet du miroir. La poitrine, plus aussi ferme et rebondie qu’avant. Et ma peau, glissant sous mes doigts, de moins en moins douce. Un peu plus rêche… Fatiguée…
Je ne le rejette pas, pourtant. J’ai tant d’autres choses à penser, le travail, ma fille, ses problèmes à l’école, le budget… Qu’il m’indiffèrerait presque. Je le regarde depuis presque une demi-heure maintenant, et me rend compte que ce corps ne ressent plus rien, ne communique plus avec moi, ne me parle plus depuis de si longs mois…
Plus de désir, plus de fatigue, la faim même ne se fait plus ressentir. Je suis passé en pilotage automatique, depuis si longtemps que je ne me souviens plus à quel moment tout ceci a commencé…
Je voudrais me le réapproprier. Mais comment… ?
Je quitte la salle de bain, nue, et gravis les étages qui mènent à l’atelier de mon aimé. J’ouvre doucement la porte, et contemple maintenant le sien, de corps. Assis devant ses chevalets, ses pinceaux à la main, j’observe attentivement son dos, sa nuque, que je trouvais si sensuels, avant. Il se retourne et me sourit, alors que je n’ai pas fait le moindre petit bruit. Et soudainement je sais, je sais comment faire.
Je lui souris en retour et lui demande :
- « Tu veux bien me peindre quelque chose, mon chéri  ?
- Bien sûr ! Quoi ?
- Moi…
- C’est vrai que ça fait des années…, songe-t-il tout haut, en attrapant une toile vierge.
- Non, attend, pas sur un tableau !
- Ou ça, alors ? me demande-t-il, surpris.
- Sur moi ! Peint-moi… Sur moi. Moi tel que tu me vois. Mon vrai Moi… »
Pendant une demi-seconde, il me scrute intensément, vaguement dubitatif. Puis il se lève, s’approche de moi, et me murmure  « D’accord » du bout des lèvres.
Quelques instants plus tard, allongée, les yeux fermés, je sens le premier contact du pinceau, redessinant lentement la courbe de mon coup et de mon épaule droite. Et mon corps enfin se réveille et tressaille. Un frisson agréable, doux, un frisson qui me réchauffe, le creux du ventre qui papillonne… Et de nouveau, enfin, je me sens Une.






Que sont les vases communicants?



Emprunté à Pierre Ménard:  

          « François Bon Tiers Livre et Jérôme Denis Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants (au départ cela s’appelait le Grand dérangement, pas peu fier d’avoir trouvé ce titre de vases communicants) : Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.Beau programme qui a démarré le 3 juillet 2009 entre les deux sites, ainsi qu’entre Fenêtres / open space d’Anne Savelli et Liminaire. Si vous êtes tentés par l’aventure, faîtes le savoir sur le mur du groupe Facebook des vases communicants, que chacun puisse relayer les autres... »
Liste des vases communicants de septembre: 

Allerarome http://revelittoral.blogspot.fr/ et Xavier Fisselier http://xavierfisselier.wordpress.com/



Christophe Sanchez http://www.fut-il.net/ et Jean-Marc Undriener http://www.fibrillations.net/
collectif Claude Favre dans le jardin sauvage d'Ana NB http://sauvageana.blogspot.com / et chez G@rp http://lasuitesouspeu.net
Isabelle Pariente-Butterlin http://www.auxbordsdesmondes.fr/ et l'écureuil du net http://lecureuildunet712.wordpress.com/
Hélène Verdier http://louisevs.blog.lemonde.fr/ et Dominique Autrou http://dom-a.blogspot.fr/
Anne-Charlotte Chéron http://feenmarges.blogspot.fr/ et François Bonneau http://irregulier.blogspot.fr/
Juliette Mézenc http://www.motmaquis.net / et Virginie Gautier http://vg-ecriture.blogspot.fr/
André Rougier http://andrelbn.wordpress.com / et Christophe Grossi http://kwakizbak.over-blog.com/
Christine Zottele http://etsanciel.eklablog.com et Brigitte Célérier http://brigetoun.blogspot.com
eric dubois http://ericdubois.net  et jerome fandor http://archeos.blogspot.com